Chacun des traits tracés par Malcolm, Ennis les observait. Voilà ce que le mechanical avait remarqué et cela lui faisait très plaisir qu’on puisse s’intéresser autant à ce qu’il faisait. D’u autre côté, il avait aussi bien envie de voir Ennis en faire autant, mais bon, si l’Australien n’était pas un « artiste comme lui », il n’y pouvait pas grand-chose.
Quand il entendit la description que le jeune étudiant faisait de son pays, Malcolm ne pouvait s’empêcher d’arrêter de dessiner et de fermer les yeux pour imaginer cela. Un pays où l’on pouvait fêter Noël en T-shirt… Ça semblait tellement différent d’ici, où ne pas fêter Noël en pull revenait à inviter le rhume à envahir son corps. Il s’imaginait aussi en train de parcourir les musée pour découvrir l’art du pays, les musées, les monuments…
Toutes ces images n’arrêtaient pas de titiller l’imagination de Malcolm. Il baissa les yeux vers son dessin et décida qu’il voulait y mettre une touche australienne, mais il ne savait pas encore laquelle. Il fallait déjà qu’il finisse ce qu’il avait commencé.
- Ça a l’air d’être un endroit sympa en tout cas, j’espère que je pourrais y aller un jour.
Voyager… Malcolm aimerait énormément, mais il savait que Julian ne serait pas tout à fait d’accord dans l’immédiat. Déjà qu’en ce moment, pour une raison inconnue à l’esprit du Mechanical, le réparateur semblait s’inquiéter de leurs absences en ville, alors qu’en serait-il pour un voyage à l’autre bout du monde ?
Il entendit ensuite Ennis dire que Edimbourg était aussi un endroit agréable. Malcolm était assez de cet avis également. Pour lui, c’était un endroit merveilleux, plein de surprises et de mystères, de choses à découvrir, à sentir, toucher, écouter. Pour lui, Edimbourg, c’était déjà un monde entier.
- Oui… Elle est magnifique.
Comment qualifier autrement un lieux qui renfermait tant de merveilles ? Une ville où tant de gens circulaient et cohabitaient. Avec des systèmes et des habitudes qu’il n’avait pas ou bien qu’il ne connaissait pas autrement que par la télévision ou les livres. Il avait beau avoir disposé d’un accès à ces medias, c’était bien plus imposant de se promener soi-même en ville où l’on pouvait se sentir si petit. C’était également une sensation que Chocolate Milkshake éprouvait lorsqu’il parcourait les couloirs de la fac ou lorsqu’il se promenait sur le campus. Tant de choses lui étaient encore inconnues ou incompréhensibles, il avait vraiment envie de tout voir, de tout explorer.
Il baissa de nouveau la tête sur son dessin et finit d’ajouter les personnages sans visages qu’il nommait mentalement les « passants ». Puis, il commença à créer un ciel, avec des nuages dont les formes pouvaient faire penser à tout et à rien.
Un « marché conclut » lui parvint aux oreilles, il élargit son sourire et hocha la tête de manière affirmative comme pour sceller leur accord. C’était un peu comme si il venait de se faire un ami, son premier à l’université, son premier hors de la villa de Julian. C’était décidément un grand moment, il se sentait apaisé quelque part. Car si avant d’aller à l’université, Malcolm était sûr de se faire des amis, une fois sur place, sa certitude avait perdu un peu de consistance. Car souvent, les autres l’ignoraient, ou bien l’observaient d’une manière étrange que le jeune homme ne pourrait décrire. Quelque part, cela ne lui faisait rien, il voulait le penser. Mais quelque part, cela le dérangeait un peu… Cette impression de ne pas être normal, d’être considéré comme une bête de foire.
A la fin de sa toute première journée sur le campus, Malcolm était plus sûr que jamais qu’il ne fallait pas que les autres sachent pour la particularité propre à chaque membre de sa famille, la sienne y comprit. Cela lui faisait penser à ces films où les super héros doivent cacher leur identité, leurs facultés spéciales pour ne pas se faire montrer du doigt. Cette situation, il la comprenait, mais jusqu’à ce qu’il sorte de la villa, il ne l’avait jamais ressentie au plus profond de lui.
C’est pour cela qu’il n’avait jamais vraiment essayé de se faire des amis. Ici, c’était un peu un cas exceptionnel car Ennis était nouveau en ville. Et ce cas exceptionnel, ce cas qui n’était pas ordinaire, Malcolm l’aimait bien. Si bien qu’il ne pouvait s’empêcher de sourire quand il sentait le regard d’Ennis, quand il l’entendait et quand il le regardait. C’était peut-être paradoxal, mais cette rencontre exceptionnel, avec son statu peu commun de mechanical lui donnaient l’impression d’être normal.
Pire que lui ? Oh oui, malheureusement, c’était possible. Malheureusement, mais heureusement quand même…
Malcolm fut soudain prit d’assaut par ce sentiment contradictoire. Celui d’être malheureux pour les démunis tout en étant soulagé par leur existence… Quand il restait chez Julian, ces gens n’étaient que des idées, des images à la télés ou des portraits dans des livres ou sur des photos, mais maintenant qu’il fréquenter le reste de monde, il savait qu’il étaient là, qu’il pouvait les voir.
La phrase d’Ennis avait activé quelque chose en lui. « Il doit toujours y avoir pire que ton cas ». Le jeune homme mécanique s’arrêta de dessiner mais continua d’observer la feuille, les yeux légèrement brillants. Il regardait les « passants », ceux qu’il ne connaissait pas, ceux qui étaient peut-être plus malheureux que lui. Ceux qui n’avait jamais rencontré quelqu’un qui puisse les réparer…
Ces pensées et ses sentiments perturbèrent un peu le jeune homme au sang chocolaté. Ennis devait certainement s’interroger de son silence et de son attitude. Ne sachant comment se justifier ni même si il le voulait, Malcolm ajouta un détail insolite à son dessin et mit à la place d’un soleil un rouage, comme ceux que l’on retrouvait à l’intérieur d’une horloge ou d’une montre. Un rouage en soleil. Voilà ce qui illustrait tout ce qu’il ressentait en cet instant. C’était en quelque sorte, sa touche purement fantaisiste.
Chocolate Milkshake resta silencieux le temps qu’il finisse son dessin. Il donna un visage au personnage assis sur le banc et ajouta un koala qui se cachait dans l’arbre au centre de la feuille, l’animal semblait observer le personnage assis.
Voilà que le dessin était terminé. On pouvait y voir plusieurs individus sans visages qui entouraient une scène centrale. Le ciel était nuageux et le soleil était un rouage. La scène centrale, quant à elle, était composée d’un arbre à la forme reconnaissable qui abritait un koala observant une représentation de Ennis, assis sur le banc et observant les gens qui passaient.
Malcolm tendit la feuille à son camarade australien et lui demanda avec un sourire timide:
- Je l’ai fini. Que penses-tu des détails ?